Miserere!
Encore une fois ma colombe,
Ö! mon beau trésor adoré,
viens t’agenouiller sur la tombe,
où notre amour est enterré.
Miserere !
il est là dans sa robe blanche,
qu’il est chaste et qu’il est joli!
il dort ce cher enseveli
et comme un fruit mur sur la branche,
son jeune front, son front pâli
incline à terre et penche, penche….
miserere !
regarde bien ma colombe,
Ô! mon beau trésor adoré,
il est là couché dans la tombe,
comme nous l’avons enterré.
Miserere !
Depuis les pieds jusqu’à la tête,
sans regret, comme sans remord,
nous l’avions fait beau pour la mort.
ce fut sa dernière toilette;
nous ne pleurâmes pas bien fort,
vous étiez femme et moi poète.
Miserere!
Les temps ont changé, ma colombe,
Ô! mon beau trésor adoré,
nous venons pleurer sue sa tombe,
maintenant qu’il est enterré.
Miserere!
Il est mort la dernière automne,
c’est au printemps qu’il était né.
Les médecins l’ont condamné
comme trop pur, trop monotone,
mon coeur leur avait pardonné….
je ne sais plus s’il leur a pardonné.
Miserere!
Ah! je le crains , ma colombe,
Ô! mon beau trésor adoré,
trop tôt nous avons fait sa tombe,
trop tôt nous l’avons enterré.
Miserere!
il est des graines de rechange
pour tout amoureux chapelet.
Nous pourrions encore ,s’il voulait,
le ressusciter, ce cher ange.
Mais non! il est là comme il est,
je ne veux pas qu’on le dérange.
Miserere!
par pitié, fermez cette tombe,
jamais je n’avais tant pleuré!
Oh! dites pourquoi ma colombe,
l’avons nous si bien enterré?
Miserere!
(Alphonse Daudet)